L'Artiste

Noël Patrick Soladie naît à Bordeaux en août 1946. Avec ses parents, il vit à Paris, Vichy, et se partage entre l'Aquitaine et la Côte d'Azur "j'ai fait toutes les villes de la Côte d'Azur". Il croise, chez ses parents, des proches de la famille Utrillo et le peintre Lanskoi. Selon Mme Soladie (sa mère) "le grand Matisse croqua son petit Noël pour être un des angelots pour son projet de la chapelle St Pierre de la Prud'homie des pêcheurs de Villefranche sur mer". Mais Matisse meurt en 1954 sans avoir pu le réaliser. C'est Jean Cocteau qui décore la chapelle entre 1956 et 1957 en s'inspirant des esquisses de Matisse. Pénétrer dans le monde de l'art sur la pointe du crayon et au fond de l'oeil d'un génie est un "début de destin vraiment peu banal". Mais le destin est souvent espiègle, ou tête dure... SOLADIE, l'angelot de Matisse et le "petit" de Jacques Ellul (en 1956-57, il vécut à Pessac chez le grand philosophe et théologien protestant, auteur d'"anarchie et christianisme"), SOLADIE, le lecteur devenu admiratif de Blaise Cendrars emprunte les chemins d'un nomadisme bohème libre mais sans art. Il fait "trente six métiers et le tour de France".

Entre 18 et 21 ans, il est engagé volontaire et sous-officier dans le génie à Avignon. Ensuite et successivement, il est ouvrier lunetier, cariste sur le port et vendeur d'assurances à Toulon, garçon de café à Menton, ouvrier spécialisé à Lyon, élève conducteur au dépôt SNCF d' Achères, livreur de gaz, dépanneur de chaudières et vendeur de pneus, en 1968 à Perpignan.
Ville où il rencontre Denise, qu'il épouse un peu plus tard et "finit par poser ses valises à Bages, parcequ'il a assez bourlingué". Il intègre alors l'entreprise de maçonnerie de ses beaux-frères Trilles à Bages.
Là, il se lie d'amitié avec le poète chanteur catalan Joan Pau Giné dont il apprécie la sensibilité artistique. Une vie tranquille sinon pépère... Mais en 1990, il lâche la truelle et les chantiers pour une expérience sur la route et les marchés du département. Cette expérience de commerçant ambulant dure cinq années. Soladie l'abandonne pour retrouver l'entreprise Trilles.

"Pendant tout le temps des marchés je n'ai pas pu peindre un seul tableau". Cette passion de la peinture, SOLADIE la cultive en autodidacte et en cachette depuis de nombreuses années. Ses "premières choses", il les réalise dans les années 70. Ce sont des collages érotiques avec des images piquées à des magazines comme Lui ou Penthouse..."J'ai même confectionné des jouets pour les enfants et réalisé des banderoles et des affiches contre la guerre du Viet Nam et contre le franquisme". En 1976, après la naissance de son fils Jean, il revient au collage "plus surréaliste qu'érotique", et "un jour où j'avais les idées très noires, j'ai fait mon premier tableau". Soladie, depuis, n'a cessé de peindre, "mais je ne me prends pas pour un artiste". Il peint sur des supports variés : du papier Canson, du plexiglas, quelque fois de la toile, mais surtout du "bois grossier, bois récupéré", pin, contre-plaqué ou aggloméré, "ce qui, compte tenu des formats, donne un sacré poids à mes tableaux". Les toiles "c'est réservé aux peintres, c'est cher et c'est fragile". Au début, il achetait des chutes chez les marchands de matériaux, "par la suite j'ai récupéré le bois sur mes propres chantiers".

Ce peintre, qui ne se veut pas artiste, associe dans son expression le marqueur, l'aérosol et l'acrylique. Le rythme, le mouvement, le signe, la répétition sont les traits dominants de ce qu'il fait avec un incontestable sens décoratif.
Près de trente ans de travail, des centaines de pièces accumulées et, jusqu'ici, "jamais rien montré".

J.Q